Comprendre notre rythme de vie
Pour mieux gérer son rythme de vie et de ce la faciliter il est éssentiel de savoir comment l'Homme réagit et comment notre organisme fonctionne.
«Nous avons dans le cerveau deux types d’horloges biologiques, explique le neuropsychiatre Marc Schwob, auteur «Des rythmes du corps (Odile Jacob 2007). Les premières, sensibles aux rythmes naturels, comme l’alternance jour-nuit, déterminent les cycles des sécrétions hormonales, de régénération cellulaire et, en cascade, l’activité des organes. La seconde, située dans le cortex, la partie intelligente du cerveau, nous permet de contrôler notre temps en accord avec les synchronisateurs sociaux (sonnerie du réveil, déjeuner d’affaires, journal télévisé…). » Or, ces derniers nous influencent plus que les synchronisateurs naturels que sont la durée des jours ou les variations de température. Nous bousculons donc notre tempo biologique pour nous accorder à celui de la vie moderne. Problème : notre organisme ne parvient pas à le suivre. « Ni à s’y adapter sainement, ajoute James H. Bendayan, chercheur en génomique médicale des rythmes biologiques humains. Ne pas respecter notre rythme naturel a des conséquences biologiques que le corps ne peut supporter. »
« Nous avons ainsi bouleversé les périodes de productivité, note Marc Schwob. Plutôt que travailler l’été et nous reposer l’hiver, tels nos ancêtres, nous faisons l’inverse. » Fixées au moment des vendanges et de la moisson, les grandes vacances sont devenues, avec la baisse de l’activité agricole, des temps d’oisiveté. Résultat : l’hiver, nous travaillons trop et trop tard par rapport au cycle du soleil. Et, pour voir nos amis ou traîner devant la télé, nous nous couchons avec un décalage de deux ou trois heures.
Des décalages pathogènes
Du fait de ces changements, « les sécrétions de mélatonine et de sérotonine, hormones régulatrices des rythmes du sommeil, antioxydantes, sont décalées, affectant le système immunitaire et ne permettant pas aux cellules de se réparer, déplore James H. Bendayan. Désastreuse pour l’organisme, cette désynchronisation est mise en cause dans le développement de certaines pathologies, obésité, diabète, maladies mentales, cancer… ». En décembre 2007, le Centre international de recherche sur le cancer de Lyon a même déclaré le travail de nuit probablement cancérigène. Installé, ce décalage modifierait aussi l’expression des gènes de l’horloge biologique centrale cérébrale et périphérique dans les tissus et les organes, au point de lui faire adopter un comportement anarchique dans la protection et l’intégrité de notre génome. La machine s’emballe. James H. Bendayan ajoute que « ces altérations épigénétiques, dues à l’impact de l’environnement sur les gènes, sont probablement aussi transmises par la mère au foetus lorsque, enceinte, elle “sculpte” les cellules de sa progéniture. Héritant de ces désynchronisations, l’enfant sera, dans le futur, plus vulnérable ».
Un corps en alerte en permanence
Autre dérèglement de notre vie moderne : l’immédiateté. Accès continu aux informations, sollicitations par e-mails, textos, téléphone… Le corps est soumis à une tension permanente. « Le système d’alerte, bénéfique pour fuir ou pour se défendre, n’est jamais au repos, souligne Marc Schwob. Sécrétées de plus en plus souvent, les hormones du stress –cortisol, catécholamine et adrénaline – nous donnent l’impression d’être submergés. » Un sentiment accentué par un brouhaha permanent : bruit de la rue le matin, du bureau la journée, des fêtards ou des éboueurs la nuit… Débordés par notre vie sociale, nous ne prenons plus le temps de rêver, de bâiller, de nous détendre, « ce dont le corps a pourtant besoin toutes les quatre-vingt-dix minutes », rappelle le neuropsychiatre. Ressentir une intense fatigue, une grande difficulté à se concentrer, du trac, des tremblements, avoir lesmains moites sont autant de signes qui peuvent indiquer une désynchronisation. « Stimulé trop souvent, affaibli par une dette de sommeil, le système nerveux parasympathique ne contrôle plus le sympathique, qui régule l’anxiété et la douleur », reprend Marc Schwob.
D’où, pour limiter les dégâts, l’importance des activités qui stimulent les hormones du plaisir (les endorphines) et qui neutralisent celles du stress : faire du sport, l’amour, se détendre, rire, regarder l’horizon… Des occupations souvent réservées au temps des vacances. D’ailleurs, « poursuivies plus de huit jours, idéalement deux semaines, elles permettent de se resynchroniser », complète le neuropsychiatre. À condition, deux jours avant la rentrée, de se remettre aux heures du bureau pour ne pas subir un nouveau changement de tempo. L’idéal étant, bien sûr, d’harmoniser tous les jours son rythme social à son rythme biologique. Mais, pour cela, encore faut-il parvenir à décélérer.